Photographies de Nathalie Guyon

J’ai grandi dans un village, à l’ombre d’un arbre, avec une église, un château, une école et tout un tas d’objets à fabriquer, d’histoire à inventer et de chasses au trésor à organiser…

Je dessinais sans connaître Léonard de Vinci ou Henri Matisse, je dansais sans connaître Rudolf Noureev ou Pina Bausch, je pianotais sans connaître Frédéric Chopin ou Erik Satie.

Qu’importe comme beaucoup d’enfants, je créais sans chercher à savoir pourquoi, juste parce que j’aimais tourbillonner sur la musique, dessiner et placer des couleurs entre les lignes, tout cela me rendait heureuse.

Ma passion pour les arts est née dans ce village, sans musée, sans bibliothèque, grâce à mes professeurs de collège, qui m’ont donné envie de créer, de lire et d’écrire puis de voyager, d’aller plus loin, d’être encore plus curieuse et d’aller à la rencontre des artistes et de ce qu’ils nous offrent. Dans ce village, j’ai inventé mes premières histoires, créé mes premiers objets qui n’avaient pas de fonction, juste celle d’être à mes côtés. Puis je suis partie.

J’ai choisi la plus belle école au monde : l’école du Louvre.

Je me disais chaque matin que j’avais une chance exceptionnelle de longer la Seine puis d’entrer dans ce palais-musée pour contempler des objets utilitaires, des œuvres d’art et écouter les conférenciers me détailler la vie de ces objets avant qu’ils ne soient figés derrière une vitrine ou sur un mur, écouter leur vie d’avant, quand ils n’avaient pas de musée. Puis je suis partie.

J’ai choisi une ville pleine d’énergie, de musées, d’artistes et de bagels : New-York.

J’ai travaillé dans une excellente galerie, celle d’Ileana Sonnabend. Je traversais Soho enneigé ou ensoleillé, j’avançais et finissais ma thèse de l’Ecole du Louvre sur le dessin contemporain, je dessinais dans mon carnet, je maitrisais un peu mieux la langue que tout le monde doit parler, je rencontrais des artistes, visitais leur atelier, prenais des cours de salsa, habitais près de Tompkins square, faisais des quiches pour mes amis, me perdais dans le MoMA avec Michael Sonnabend, 80 ans. Puis je suis partie.

Je me suis demandée, ce que je pouvais faire de tout cela, de toutes ces histoires de l’art, j’ai eu envie de transmettre à mon tour mais différemment, d’essayer de rendre ces objets plus vivants, parfois plus drôles, plus proches de moi et de nous. Pour tous ceux qui comme moi, n’ont pas de musée en face de chez eux ou n’ont pas envie de pousser la porte du musée, des galeries ou des fondations, juste avec des textes, dans des revues puis des livres. Partager mon plaisir, ma curiosité, l’histoire des artistes et aussi s’autoriser à dessiner, à mettre des couleurs, découper des espaces dans nos vies, pour y faire entrer l’art, décloisonner notre façon de le voir, prendre conscience qu’il est partout, qu’il est là pour nous tous, sans penser qu’il nécessite un long apprentissage, pour qu’on ait juste envie d’être à côté de lui.

copyright : Nathalie Guyon
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